« Femme assise avec un enfant dans les bras » 1889-1890-Huile sur toile 81x65cm
Bilbao, Museo de Bellas Artes
EXPOSITION MARY CASSATT
Première rétrospective en France, depuis 1926, du travail de l’artiste américaine, Mary CASSATT (1844-1926), au Musée Jacquemart-André. Les salles de ce musée, que je trouve souvent trop étroites et qui manquent de recul, se prêtent parfaitement aux œuvres de Mary Cassatt.
«Autoportrait » vers 1877-1878-gouache, aquarelle et graphite sur papier 32,7×24,6cm-Washington, National Portrait Gallery, Smithsonian Institution
LA VIE DES FEMMES
La vie quotidienne et intime des femmes est l’axe clé et fondateur du travail de Mary Cassatt. Indépendante, célibataire, libérée des questions pécuniaires grâce à la fortune de sa famille, Mary Cassatt veut donc, dans son travail, montrer, les différentes facettes de l’univers féminin. C’est également une façon pour elle de défendre les femmes en leur octroyant ainsi une place reconnue dans la société. Rares sont les peintres hommes à s’être penchés sur ce thème ….hormis les nus féminins !
« Mme Alexander J. Cassatt en robe du soir bleue assise devant un cadre à tapisserie » 1888-Pastel sur papier 81,28×63,5cm
New York, courtesy Adelson Galleries
Les bébés, les enfants, les jeunes filles, la maternité, les femmes sont ses sujets de prédilection. Et elle les maitrise à merveille. Elle leur donne une force réelle aussi bien à l’huile, au pastel, à l’aquarelle…. Sans oublier la gravure, où elle excellait.
Issue d’une famille de riches banquiers de Pennsylvanie, descendante de huguenots français, Mary Cassatt décide, en 1865, de venir poursuivre son éducation artistique à Paris, alors capitale mondiale de l’art.
« J’aimerais presque mieux te voir morte… » lui rétorque son père. Elle débarque, néanmoins, dans notre chère capitale sous la haute surveillance maternelle. Les Beaux-Arts n’étant pas ouverts aux femmes (il faudra attendre 1897), elle étudie dans l’atelier du peintre Jean-Léon Gérôme.
« Portrait de Mlle Louise-Aurore Villeboeuf » vers 1901, pastel sur papier 72,7x60cm-Paris, Musée d’Orsay
En 1877, notre peintre américaine rencontre Degas. Leur longue amitié de quarante ans la marquera. Degas lui propose de rejoindre le groupe des impressionnistes : « J’acceptais avec joie….J’admirais Courbet, Manet et Degas. Je haïssais l’art conventionnel. Je commençais à vivre ». C’est également grâce à Degas que Mary Cassatt, excellente dessinatrice, découvre et cultive avec brio son talent de graveur.
A partir de 1881, la reconnaissance de son travail est au rendez-vous. Elle peint ses proches, sa sœur, sa nièce, leurs enfants, ses amis…que l’on retrouve dans les reproductions (*) de ce billet. Débute également une longue association avec le marchand Durand-Ruel. Ce dernier présentera, par exemple, deux de ses tableaux en 1886 à la première grande exposition impressionniste organisée à New York.
« Esquisse à mi-corps de Katharine Keslo Cassatt » 1888, Huile sur toile 60,4x44cm- NJ, Kasser Mochary Foundation
Puis dans les années 1890 elle enchaine avec succès, notamment une exposition personnelle organisée par Durand-Ruel et la commande d’une toile monumentale sur le thème de la « femme moderne » destinée au hall d’honneur du pavillon de la Femme à la World’s Columbian Exposition de Chicago. Sa notoriété, ne se limite donc pas à la France, elle traverse l’Atlantique.
Sa solide amitié avec Louisine Havemeyer, épouse d’un industriel du sucre fortuné, mécène et défenseure convaincue du droit de vote des femmes, a dû jouer en sa faveur. De même, Mary Cassatt a joué un rôle clé pour introduire aux Etats Unis les impressionnistes. En 1908, elle retourne une dernière fois dans son pays natal. A partir de 1914, à la suite de l’échec d’opérations de la cataracte, elle cesse de peindre. Elle décèdera en 1926 en France.
PASTELS INACHEVES, ESQUISSES
Les pastels « inachevés » de Mary Cassatt m’ont particulièrement touchée, car elle parvient à exprimer l’essentiel.
Je suis tombée en arrêt devant le pastel ci-dessous. Le visage de la petite fille, noyé dans la lumière, envahit l’espace. Il est ravissant, expressif, sérieux, interrogatif mais aussi un tantinet espiègle. Ses yeux clairs nous transpercent. Ecrasé par le chapeau bleu, aussi envahissant que vilain (il ressemble à un pot de fleurs), le visage de la fillette devrait, normalement, disparaitre ou du moins perdre sa flamme. Il n’en est rien, au contraire, il envahit littéralement l’espace.
« Fillette au chapeau bleu » vers 1911, pastel sur papier 63,5×53,3cm
Collection privée suisse
Les quelques « gribouillages » sous le col, pourraient être affreux. Et bien non, ils « fonctionnent » parfaitement. Avec son style bien à elle, magistral, inachevé, épuré, Mary Cassatt révèle le visage de cette enfant. Saisissant ! Ce pastel, réalisé en 1911, alors que Mary Cassatt a atteint une réelle maturité, a été mon grand coup de cœur.
Bien que le visage du bébé, photo ci-dessous, ne soit pas très « craquant », il a attiré mon regard. Au chaud et confortablement installé dans son landau, sa présence est palpable. Ses poings fermés, son oreiller, sa couverture, son bonnet, son manteau sont inachevés. Au contraire, le visage est fini, rond et poupin. Il est rehaussé par le bleu un peu vaporeux qui l’entoure.
« Bébé en bleu dans son landau » vers 1880-1881, pastel sur papier sur carton 44×43 cm- Baden Museum Langmatt, Langmatt Foundation Sidney and Jenny brown
Dans le pastel ci-dessous, la mère et sa petite fille regardent ensemble, dans la même direction. Les yeux du bébé indiquent, en quelque sorte, vers où il faut regarder. Ceux de la mère lui emboitent le pas. J’ai ressenti la complicité, la tendresse, la connivence qui peuvent exister entre une mère et son enfant.
« Femme et Enfant » vers 1898-1899-Pastel sur papier 38×28,7cm-
Collection particulière
Ce pastel, comme celui de la « Fillette au chapeau bleu », sont incroyablement modernes. Ici, les cheveux ne sont pas achevés, surtout pour la mère. Là un trait noir suggère simplement l’existence de l’épaule de la mère. Le buste : que nenni ! La main de la petite fille, à peine esquissée, parait flotter dans l’espace. Et que dire des enchevêtrements de traits blanc, bleu, rouge, jaune….sur le bras, le cou, les visages !
Ils me fascinent. Ils sont à leur place, juste comme il faut, ni trop, ni pas assez. C’est ce que j’appelle du talent.
Cette jolie exposition dure jusqu’au 23 juillet. N’hésitez pas à y aller, vous passerez un bon moment.
L’exposition « Mary CASSATT-
Une impressionniste américaine à Paris »
Jusqu’au 23 juillet 2018
Musée Jacquemart-André
158 boulevard Haussmann – 75008 Paris
(*)Les photos étant interdites dans cette exposition, les reproductions des œuvres de ce billet sont issues du numéro HS 797, de Connaissance des arts.