Un moai sur sa plateforme (Photo 1)
Comment ne pas tomber sous l’emprise de ces incroyables sculptures de pierre, les Moais, qui foisonnent sur l’ile de Pâques?
Elles m’ont fascinée, interpellée. Elles sont incroyablement fortes, imposantes.
Mais elles ont plus que ça : une sorte de présence les habite.
LES MOAIS DE L’ILE DE PÂQUES
Ma première rencontre avec un moai a été un choc.
Et pourtant je rêve de les voir « en vrai » depuis que je suis enfant…. j’en avais donc vu des photos de moais avant de partir! Le plus extraordinaire est qu’à chaque rencontre de moai, j’ai ressenti cette émotion profonde m’envahir.
Moais sur leur plateforme au coucher du soleil (photo 2)
Une multitude de choses sont à dire sur cette petite île fragile, l’Ile de Pâques ou Rapa Nui (dans la langue locale). Ce petit confetti de forme triangulaire (16x18x23 km), perdu au beau milieu de l’Océan Pacifique, est à 3760 km des côtes chiliennes et à 4100 km de Tahiti. Rapa Nui est une des iles les plus isolées du monde.
Carte de l’Ile de Pâques (photo 3)
Voilà ce qui m’a le plus marquée.
1)Rapa Nui est un site archéologique à ciel ouvert
En vous baladant sur l’île, quoi de plus normal que de se trouver « nez à nez » avec un moai. Soit il vous toise de toute sa hauteur ; un moai moyen mesure une dizaine de mètres et pèse plusieurs dizaines de tonnes (photo 1).
Moai intact étendu sur le sol croisé lors d’une balade (Photo 4)
Soit il est écrasé au sol, indemne, ou cassé en plusieurs morceaux (photos 4 et 5).
Il n’en perd pas pour autant toute sa superbe. Il en devient peut-être plus émouvant. A lui tout seul, il résume la vie.
Moais cassés en plusieurs morceaux
Ils auraient été renversés lors d’affrontements tribaux (Photo 5)
Près de 900 Moais visibles (sans tenir compte de ceux qui sont cachés ou enterrés) sont recensés sur l’île.
A la fin du 18e siècle tous les moais, sans exception, étaient à terre. Les hommes en seraient responsables. Vengeances tribales ?
Ce n’est qu’au 20e siècle que ces sculptures ont doucement commencé à être remises « debout » sur leur plateforme. Belle initiative !
2)D’où proviennent les Moais ?
Tous les moais, à de rares exceptions près, proviennent de la montagne de Rano Raraku, où ils ont été taillés à même la montagne, directement dans ses flancs.
La montagne de Rano Raraku et les moais abandonnés, à moitié ensevelis, que l’on voit au loin. (Photo 6)
Imaginez plusieurs ateliers de sculpteurs dans cette montagne. Chacun avait son périmètre délimité sur ce volcan éteint. Sous la direction d’un chef d’atelier, chaque sculpteur taillait donc directement dans la paroi de tuf volcanique des morceaux d’une dizaine de mètres.
Prévoir 2 ans pour finir le moai …La patience était de rigueur.
Un des plus grands moais (une vingtaine de mètres) allongé sur le sol.
A comparer avec les petites silhouettes au loin des visiteurs !! (photo 7)
Le plus grand mesurait 21,60 m et le plus petit 3 mètres. Trop lourd, plus de 150 tonnes, celui en photo ci-dessus (photo 7) n’a jamais réussi à quitter la carrière. Il est quand même parvenu en bas de la montagne, avant de s’étaler sur le sol, intact. Folie des grandeurs ?
Chaque moai, une fois qu’il est parvenu et installé sur sa plateforme, devient le visage vivant de l’ancêtre décédé.
Moais abandonnés, dont la moitié des corps sont encore ensevelis dans la terre.
Près de 400 sont encore à moitié enterrés à Rano Raraku (photo 8)
Cette immense carrière à ciel ouvert a été abandonnée brutalement il y a environ 150 ans pour une raison qui reste inconnue (une guerre entre tribus pour la survie sur l’île ???).
La fin des moais a sonné.
3) Parlons des moais.
*Les principaux sites
Les moais sont tous « exposés » dans des sites naturels. Certains sites sont protégés, c’est-à-dire avec un gardien à l’entrée qui contrôle les allées-venues des visiteurs. Parmi ces sites, deux sont plus « courus » que les autres : Rano Raraku (voir plus haut) et Orongo. Pour les protéger, on n’a le droit de les visiter qu’une fois : le laisser-passer exigé à l’entrée de chaque site est tamponné. Incontournable !
Le cratère du volcan Orongo qui surplombe la mer (photo 9)
Orongo, site de superbes pétroglyphes, est situé à côté du village où le culte de « l’homme oiseau » s’est développé du 17e siècle au 19e après la fin des moais. Depuis l’échancrure du volcan qui donne sur la mer (voir photo 9), « l’homme oiseau » s’élançait…en dévalant le flanc (pas en plongeant !!) !
En tout, une vingtaine de sites gardés sont répartis sur tout le territoire.
Enfin, il y a de très nombreux sites totalement ouverts, dont certains commencent à être protégés par de simples barrières en bois avec des panneaux « interdiction de dépasser cette limite » visiblement respectés.
*Les plateformes ou ahu
Le but d’un moai est d’être dressé sur une plateforme de grosses pierres. Tous n’ayant pas été redressés, loin de là, ils gisent au pied de la plateforme.
La plateforme n’est pas un socle, mais une chambre funéraire où étaient enterrés les morts. Plus elle est haute, plus la famille était nombreuse, et peut-être riche et importante.
Ahu du site de Vinapu (Photo 10)
*Chignon ou chapeau ou pukao
La dernière génération de moais était coiffée d’un chignon ou pukao (certains parlent d’un chapeau, il semblerait à tort ?) taillé grossièrement dans une roche rouge du site de Puna Pau.
Chigon de moai au pied d’une plateforme en pleine nature (photo 11)
Puis ils étaient « roulés » jusqu’à la plateforme, perdant ainsi 1/3 de leur poids de plusieurs tonnes, où ils étaient taillés définitivement avant d’être fixés sur le haut de la statue (photos 11, 12, 16 et 17).
*Les yeux
Les yeux du moai étaient également achevés une fois qu’il était installé sur sa plateforme, les orbites ayant été creusés avant, dans la carrière.
Moai au chignon : c’est le seul qui ait encore ses yeux, à Hanga Roa (photo 12).
Alors seulement, on y fixait les yeux qui étaient faits de corail blanc et d’une pierre volcanique rouge (scories).
Le moai ouvrait alors les yeux, son « mana » ou esprit revenait à la vie. Chaque moai devenait ainsi le visage vivant des anciens. Aucun moai, à l’exception de celui à Hango Roa (photo 12), n’a encore ses yeux.
* Les moais « marchaient » !
Grand mystère…
Comment faisait-on à l’époque pour faire parcourir au moai la dizaine de kilomètres (en moyenne) qui séparait la carrière Rano Raraku, où il était taillé, de la plateforme, où il devait être installé?
Diverses hypothèses, dont certaines fantasques, amusantes, délirantes ont été avancées.
La corde était passée au-dessus, autour et derrière les oreilles du moai (celui-là est encore à moitié enseveli) (Photo 13)
Celle qui semble la plus plausible est que les ouvriers passaient une grande corde derrière les longues oreilles du moai pour ainsi le maintenir debout.
Quelques moais ensevelis, toujours à Rano Raraku. (Photo 14)
Une fois debout, ils se mettaient de part et d’autre du moai en tenant la corde, et le faisaient avancer pas à pas : un petit coup à droite, puis un à gauche et ainsi de suite. Le moai avançait de guingois, comme un canard, jusqu’à la plateforme.
Pour y parvenir, ils étaient très nombreux à le tenir et, bien sûr, ils avaient tout le temps devant eux. En moyenne une quinzaine de jours était nécessaire, si le moai ne se cassait pas en route (vus le poids et la taille …). Leur notion du temps n’était pas la même que la nôtre aujourd’hui.
Notion du temps que le confinement va peut-être nous forcer à relativiser….
*Le moai est toujours dos à la mer
Moai à Hanga Roa (la seule bourgade de l’ile, surnommé le « Village »)
(Photo 15)
Le moai, érigé en souvenir d’un ancêtre décédé, regarde toujours son village qui est plus ou moins loin de la mer, dans les terres. Il tourne donc (c’est logique) toujours le dos à la mer. Sauf un, parce que son village est implanté entre la plateforme et la mer. Le mana (son esprit) regarde et protège ainsi sa tribu, sa famille.
4)Petites précisions sur l’ile.
*Ile de Pâques
Ce nom a été donné par les occidentaux, lorsque l’île a été découverte, par hasard, le jour de Pâques de 1722 par un amiral hollandais.
*Hanga Roa
C’est le nom de la seule bourgade de l’ile, surnommée « le village ». Toute l’activité (aéroport compris) est à Hanga Roa. Imaginez un petit bourg de province en bord de mer.
*Rapa Nui
Est le nom de l’ile de Pâques dans la langue locale. Les habitants sont des Rapa Nui et ils parlent Rapa Nui.
*Quelques dates
-Entre 300 et 800, il semblerait qu’un peuple polynésien, venu des Marquises, serait arrivé sur l’ile à bord de grandes pirogues à double coque (le catamaran actuel n’a rien inventé).
-Les moais font leur apparition à une date incertaine (vers 800). Les années 1680 signent leur apogée, l’érection de de ces statues étant de plus en plus nombreuse, pour ensuite décliner et disparaitre.
-1864 : arrivée des missionnaires sur l’ile, qui marque la fin des moais et la fin de la civilisation pascuane.
-1888 : l’ile devient chilienne, après et avant de multiples péripéties pénibles pour les habitants.
Moais de plusieurs générations sur la plateforme à Anakena
Ils surplombent la seule plage de l’ile (Photo 16)
J’ai toujours été attirée par les sculptures.
Mais ces moais, par leur puissance inouïe et leur présence émouvante, dépassent tout ce que j’ai pu ressentir face à une sculpture.
Même sans yeux, un moai serait-il toujours « habité » ???? J’aurai envie de répondre par l’affirmative !
Le plus important site de moais de l’ile : Tongariki (photo 17)
Amusez-vous à les compter : ils sont 15.
Bien qu’impressionnante, cette plateforme n’est pas la plus incroyable…loin de là !
Ce 74e billet confiné est le dernier.
Je suis un peu triste de vous quitter après toutes ces expositions partagées.
Mais la situation sanitaire actuelle en France, ainsi que dans le monde, autrement plus triste, risque, malheureusement, de perdurer.
Je vais en profiter pour me consacrer à d’autres projets qui me trottent dans la tête depuis un moment…
Prenez grand soin de vous et soyez très vigilants !