Francoise Revol-O’Quin-FrancescArts
L’EXPOSITION « 21 RUE LA BOETIE ».
J’ai adoré cette exposition.
Bonheur des yeux.
Un pan de l’histoire du XXème siècle défile.
Le Musée Maillol et son côté intimiste.
PAUL ROSENBERG, PASSEUR D’ART.
Paul Rosenberg (1881-1959) a été un passeur d’art, ou pour être plus précise, un passeur de modernité dans l’art.
Anne Sinclair, sa petite-fille l’explique très bien : « Mon grand-père a très vite défini ses objectifs : vendre l’école de Barbizon pour acheter des impressionnistes, et les vendre à leur tour pour acheter de l’art moderne.
Avec une méthode bien à lui, qui consistait à montrer à la bourgeoisie que l’art était une chaîne, pas une suite de ruptures et qu’on pouvait très bien apprécier Corot et acheter Picasso » (extrait du hors-série Connaissance des Arts « 21 rue la Boétie »).
Paul Rosenberg a ainsi soutenu financièrement, promu et encouragé nombre de peintres, qui grâce à lui sont parvenus à la renommée internationale.
Marie Laurencin le rejoint en 1913, puis en 1920. A l’été 1918, c’est au tour de Picasso, contemporain de Rosenberg. Les deux hommes développeront au fil des années une amitié, qui résistera aux aléas du temps.
En 1924, Paul Rosenberg convainc Georges Braque de rejoindre sa galerie.
Suivront Fernand Léger en 1927, André Masson en 1930, Henri Matisse en 1936, pour ne citer que les plus célèbres.
Sa galerie, située au 21 rue La Boétie à Paris, est un merveilleux lieu artistique, vaste et solennel, où le visiteur, acheteur potentiel, n’est pas dépaysé alors qu’il déambule entre les meubles et les tapisseries qui lui rappellent son univers bourgeois. Il regarde avec une curiosité d’abord amusée, puis intéressée, un Picasso accroché au-dessus d’une commode Louis XV. Pour finalement se laisser séduire et acheter.
Paul Rosenberg, outre son flair reconnu et son professionnalisme, fait preuve d’une rigueur implacable dans la gestion de son stock. Chaque œuvre est soigneusement répertoriée, fichée et photographiée.
Enfin, Paul Rosenberg a été un visionnaire. Il a compris, avant tout le monde, l’importance du marché de l’art américain.
Il a également « pré-senti » que New York deviendrait la capitale mondiale de l’art, aux dépens de Paris.
Ainsi dès le début des années 1920, notre « marchand d’art » se rend régulièrement aux Etats-Unis, où il crée en 1923 une société commerciale avec son confrère Georges Wildenstein.
En 1934, il inaugure une succursale de sa galerie à Londres, sorte de « tête de pont » pour toucher l’univers artistique anglo-saxon.
Enfin, à la fin de la guerre et jusqu’à sa mort en 1959, il s’établit définitivement à New York.
PAUL ROSENBERG, PASSEUR D’HISTOIRE.
L’histoire, Paul Rosenberg en a été le passeur dans sa vie professionnelle, grâce à son talent et à son flair. Mais, il en a été également le passeur dans sa vie personnelle, souvent à ses dépens.
A partir de 1937, les nazis, au pouvoir en Allemagne depuis 1933, font la chasse à « l’art dégénéré » (« Entartete Kunst).
La notion d’art « dégénéré » est définie par Hitler comme un « produit de la dégénérescence juive » et concerne presque l’ensemble de l’art moderne, en particulier l’expressionnisme, le fauvisme et le cubisme.
La peinture ci-dessus de Franz Marc, qu’on ne peut pas qualifier de révolutionnaire, fut tout de même placée dans la catégorie art « dégénéré » en raison, semble-t-il, de son éloignement de la réalité.
Début 1940, Paul Rosenberg, galeriste et juif, fuit avec sa famille le 21 rue La Boétie, pour se réfugier à Libourne, non loin de Bordeaux.
Le 30 juin 1940, sur ordre d’Hitler, commence le pillage des musées et des collections privées français, notamment celles des juifs.
A la suite de dénonciations, sa situation devenant critique en France, la famille Rosenberg parvient à rejoindre New York, via Lisbonne, en septembre 1940.
Quelques mois après, le 21 rue la Boétie est réquisitionné par les allemands pour abriter …. l’Institut d’étude des questions juives. Sinistre ironie de la vie !!
En 1941, Paul Rosenberg ouvre une galerie à Manhattan, où il s’établira définitivement après la guerre.
En 1942, il est effondré en apprenant qu’il est déchu de la nationalité française.
A la Libération, il vend le 21 rue la Boétie, désormais hanté par ces années de guerre pour s’établir à New York, où il a déjà une galerie.
Par chance, alors que les Allemands font main basse dès le début de la guerre sur les œuvres d’art en France, une partie de la collection de Paul Rosenberg est à l’abri à New York pour une exposition, et à Londres, dans sa galerie. Les œuvres restées en France (Paris et Libourne) seront spoliées par l’occupant.
Après la guerre, Paul Rosenberg, puis ses héritiers, récupèreront nombre des tableaux spoliés, certains rapidement, d’autres après des décennies, identifiés grâce à son fameux système de fiches avec photos.
Ainsi, en 2012 « Profil bleu devant la cheminée » de Matisse a été repéré lors d’un prêt norvégien pour une exposition au Centre Pompidou. Les héritiers Rosenberg l’ont récupéré en 2014.
En 2012, « Femme assise » de Matisse a été retrouvé en Allemagne puis restituée en 2015 aux ayants droit Rosenberg.
Le livre « 21 rue la Boétie » (Edition « Le Livre de Poche ») d’Anne Sinclair sur Paul Rosenberg, son grand-père, est à l’origine de cette exposition. Fluide, vivant et émouvant, il est aussi agréable qu’intéressant à lire.
-L’exposition « 21 rue la Boétie » au Musée Maillol.
Jusqu’au 23 juillet 2017
61, rue de Grenelle
75007 Paris
-En liaison avec la Galerie de l’Angle
45 rue des Tournelles
75003 Paris
FRQ – Francoise Revol-O’Quin – FrancescArts
FrancescArts, le Blog qui « croque » l’art sous toutes ses facettes.