Je l’avoue, je suis allée, par hasard, voir l’exposition « André Derain-La décennie radicale-1904 à 1914 » à Beaubourg.
Et j’en suis ressortie très agréablement étonnée.
Photo N°1 – « Le Bal à Suresnes » 1903-Huile sur toile (180×145,1cm)
Saint Louis, Saint Louis Art Museum
I DERAIN : L’EMERGENCE DU FAUVISME ET DU CUBISME.
Je gardais le souvenir de l’exposition, finie en octobre dernier, « Derain, Balthus, Giacometti. Une amitié artistique » au Musée d’Art Moderne de Paris (voir « 20ème billet | Balade avec GIACOMETTI !) : j’avais -tout simplement- fait l’impasse sur le travail de Derain (mais aussi de Balthus !!!) tant il m’avait ennuyée, voire rebutée, pour ne privilégier que Giacometti.
Et à Beaubourg, j’ai eu la surprise de découvrir un travail tout autre, qui m’a touchée, interpellée.
PHOTO N°2-« Le Pecq » 1904-1905-Huile sur toile (81x116cm)
Cincinnati, Cincinnati Art Museum
« André Derain (1880-1954) est un acteur important des avant-gardes du début du XXème siècle » analyse Cécile Debray, commissaire de cette exposition au Centre Pompidou (« Connaissance des Arts » HS N° 780). « Fondateur avec Matisse du fauvisme, acteur du cubisme cézannien avec Picasso, précurseur du réalisme magique dès 1911….La plupart des historiens et des témoins s’accordent sur le rôle majeur joué par Derain dans le fauvisme et les débuts du cubisme » poursuit-elle.
Rien que ça !! Alors qu’il est autrement moins connu que Picasso, Matisse, Cézanne, Vlaminck….
PHOTO N°3-« Bateaux dans le port de Collioure » (détail) 1905-Huile sur toile (72x91cm)
Merzbach Art Foundation
Cécile Debray va plus loin en soulignant que « Gertrude Stein reconnait, elle qui avait la dent dure contre les amis de Picasso, que Derain était un vrai découvreur, un inventeur, un aventurier de l’art qui n’a pas su exploiter ce qu’il avait fait naître. »
Gertrude Stein disait même dans les années 1930 que « Derain est le Christophe Colomb de l’art moderne, mais ce sont les autres qui profitent des nouveaux continents » !!
Au fil de cette exposition, j’ai été frappée par l’extraordinaire curiosité de Derain, qui lui permettait de faire évoluer constamment son travail.
Photo N°4–« La Danse » 1906-Huile sur toile (185x228cm)-Collection particulière
Il y a eu, d’abord, le fauvisme et ses couleurs pures, qu’il « lance » avec Vlaminck et Matisse. Avant de passer en douceur au cubisme, en 1906, année de sa rencontre avec Picasso et Braque. Entre temps, il s’est penché avec beaucoup d’intérêts sur les arts d’Afrique et d’Océanie. Le point de départ a été son achat d’un masque fang à Vlaminck. Sans oublier la photographie, que Derain, dès 1900, fut l’un des premiers à utiliser pour réaliser ses peintures. Indéniablement notre artiste est très curieux et il a du flair !
Mais sa grande curiosité l’a peut-être rendu dilettante ? Alors qu’il cheminait à vive allure en suivant ses intuitions, passant d’une perception artistique à une autre, ses amis artistes, eux, persistaient et gardaient leur cap.
PHOTO N°5-« Baigneuses » 1908-Huile sur carton (24×32,5cm)
Paris, Musée National Picasso
II 1904 A 1914
« Le Bal à Suresnes » 1903 (Photo N°1) peinture raide et austère exprime bien l’état d’esprit de l’artiste qui, entre 1901 et 1904, réalise son service militaire et n’a pas le temps et l’envie (faute de sujets valables) de peindre comme il le souhaiterait. Mais Derain innove, car il l’a réalisée à partir d’une photo.
« Le Pecq » 1904 (photo N°2) attire le regard par ses couleurs et la vie qui en émane. Derain, qui est né à Chatou (proche du Pecq), y partage avec Vlaminck un atelier. Le fauvisme pointe son nez avec les paysages peints lors de leurs balades dans les environs. Belle évolution en un an !
Photo N°6-« Vue de Cagnes » 1910 – Huile sur toile (81x100cm)
Essen, Folkwang Museum
Un an plus tard, à l’été 1905, Derain et Matisse, qui se connaissent depuis quelques années, partent ensemble à Collioure. Derain réalise, entre autres, « Bateaux dans le port de Collioure » photo N°3. J’adore cette toile qui irradie de lumière, grâce à ses couleurs qui expriment bien l’intensité du soleil dans le midi. Il dira de cette période « nous poursuivions nos études avec beaucoup de conviction ….Nous cherchions. Jolie époque ».
J’ai aussi été happée par la force et le dynamisme qui émanent de la toile « La Danse » réalisée un an plus tard (photo N°4). Les couleurs se calment.
Dans « Les Baigneuses » 1907-1908 (photo N° 5) Derain continue de s’éloigner des couleurs pures. « Vue de Cagnes » en 1910-1911 (photo N°6) m’a séduite par ses couleurs chaudes en aplat mais aussi par l’organisation très nette des toits.
PHOTO N°7-« Portrait de Lucie Kahnweiler » 1913 – Huile sur toile (92×73 cm)
Paris, Centre Pompidou, Musée National d’Art Moderne
« Portrait de Lucie Kahnweiler » 1912-1914 est, pour moi, le travail d’un autre artiste. Où sont passés les couleurs, le dynamisme, la vie ? Cette toile m’ennuie, me met mal à l’aise. La femme représentée a l’air « ailleurs », absente. Les couleurs sont tristes, elles ont perdu leur éclat. Bien sûr, la qualité du travail, le rendu des différentes matières, des motifs sont indéniables. Mais quelle pesanteur ….peut-être sentait-il l’approche de la 1ère guerre mondiale ? Et je comprends pourquoi l’accent a été mis sur la période 1904-1914.
-L’exposition « André DERAIN. La décennie radicale. 1904-1914 »
Jusqu’au 29 janvier 2018
Centre Pompidou
« Connaissance des Arts » HS N° 780 sur cette exposition.
