« Tableau pour enfants (Chat derrière un arbre) » 1911 Franz MARC
Huile sur toile (70,2×50 cm) – Coll. Particulière
L’exposition « Franz MARC et August MACKE, l’aventure du cavalier bleu », présentée au Musée de l’Orangerie jusqu’au 17 juin prochain, est un pur régal haut en couleurs. A savourer sans modération !
LE CAVALIER BLEU (DER BLAUE REITER), AUGUST MACKE ET FRANZ MARC.
En janvier 1910, les chemins de deux jeunes peintres allemands, August MACKE (1887-1914) et Franz MARC (1880-1916), se croisent. De cette rencontre, une belle amitié naîtra, source d’inspiration dans leurs peintures, mais aussi le « Cavalier Bleu/Der blaue Reiter » .
« Les Jouets du petit Walter » 1912 August Macke – Huile sur toile (50x60cm)
Coll. Städel Museum, Francfort sur le Main
Avant de faire plus ample connaissance avec les travaux de MACKE et MARC, j’aimerai cerner ce qu’est «Le Cavalier Bleu (Der blaue Reiter) », fruit de l’effervescence artistique que connait l’Europe en ce début du 20ème siècle.
Après « Die Brücke » (le Pont), créé en Allemagne en 1905 ; « les Fauves », ainsi dénommés au Salon d’Automne à Paris en 1905, grâce à leurs explosions de couleurs sur leurs toiles ; l’association « NKVM », créée en 1909 par l’avant-garde munichoise, menée par Kandinsky ; le « Cavalier Bleu » est lancé en 1911.
« Portrait de Franz MARC » 1910 August MACKE – Huile sur carton 50×38 cm
Coll. Nationalgalerie, Berlin
En réponse aux divisions au sein de « NKVM », Kandinsky, épaulé par Marc, a en 1911 « un nouveau projet….une sorte d’almanach avec des reproductions, des articles….des critiques d’exposition ». August MACKE les rejoint alors à la demande de Marc.
A Munich, en 1911, « le Cavalier Bleu » est lancé. Deux expositions sont organisées en 1911 et 1912 ; elles tourneront dans les grandes villes allemandes, avant de sillonner l’Europe, de 1912 à 1914. Un almanach est édité en 1912. La guerre met fin à ce mouvement qui accueillait aussi bien l’abstraction naissante que le réalisme et qui rêvait d’une humanité sans frontière. No comment !!
Mais qui sont donc ces deux jeunes artistes allemands qui ont joué ce rôle clé dans la création du « Cavalier Bleu » et qui ont commencé à tâter de l’abstraction avant d’être fauchés par la folie humaine de la Grande guerre ?
I AUGUST MACKE
Rhénan d’origine, Macke (1887-1914) passera son enfance à Cologne, puis à Bonn. En 1904, il réalise son rêve d’enfant de devenir peintre en intégrant les Beaux-Arts de Düsseldorf. Déçu par leur conservatisme, il s’inscrit aux cours du soir des Arts Décoratifs, tandis que dans la journée il dessine des décors et des costumes pour le théâtre de la ville.
« Portrait avec pommes » 1909-August MACKE-Huile sur toile (66×59,5cm)
Coll. Musée Lnbachhaus, Munich
Il en profite pour voyager en Europe, notamment en France, où il a un choc en découvrant les impressionnistes. En 1910, il épouse Elisabeth (modèle de la peinture ci-dessus : elle a 22 ans et attend leur 1er enfant. Ils en auront deux.), qui est la nièce d’un industriel et collectionneur berlinois, Bernhard Koehler. Ils partent en voyage de noces en Suisse, où ils reviendront en 1913 et 1914, s’étant lié d’amitié avec Paul Klee. Ils vont également à Paris, où Cézanne, Van Gogh, Matisse, Gauguin bouleversent Macke.
« Promeneurs au bord du lac II » 1912 August MACKE
Huile sur toile (48,5 x 51,5 cm)
Coll. Neue Galerie, New York
En 1910, il se lie d’amitié avec Franz Marc. L’aventure du « Cavalier bleu » est lancée (voir le début du billet).
Dans le tableau ci-dessus « « Promeneurs au bord du lac II » réalisé en 1912, Macke simplifie les motifs représentés, notamment les quatre personnages qui se fondent dans le paysage. Cette peinture marque un tournant décisif dans son travail. J’aime beaucoup la lumière qui irradie et sa sobriété, mais aussi la joie de vivre exprimée.
« Café sur le lac » 1913 August Macke Huile sur toile (46,5×62,5cm)
Coll. Particulière
Macke, mais aussi Marc, curieux de toutes les formes d’art, vont ensemble à Paris à l’automne 1912. Robert Delaunay, la nouvelle révélation de Macke, sera son déclic, en quelque sorte, pour aller vers l’abstraction qui apparaît nettement dans la toile ci-dessus, « Café sur le lac ».
« Kairuan III » 1914 August MACKE – aquarelle (22,5×28,9cm)
Coll. Westfälisches Landesmuseum, Münster
Pendant les deux années qui précèdent la guerre, les deux amis exposent beaucoup (Munich, Cologne, Berlin….). Le réseau tissé avec « le Cavalier Bleu » est à l’œuvre.
“Marchand de cruches” 1914 August MACKE – aquarelle (26,5×20,6cm)
Coll. Westfälisches Landesmuseum, Münster
En 1913, la famille Macke est accueillie en Suisse par Paul Klee, avec qui il voyagera en Tunisie, ce qui lui inspirera ces deux aquarelles que je trouve merveilleuses. Mais aussi émouvantes, lorsque l’on sait que ce peintre amoureux de la vie mourra à 27 ans au combat, en Champagne, le 26 septembre 1914.
II FRANZ MARC
Franz MARC est né en 1880 à Munich, deux ans après son frère Paul. Son père est peintre de paysages, et sa mère est originaire de Suisse romane. Baptisés catholiques, ils sont élevés dans la religion protestante. Les livres religieux, de poésies et les grands classiques comme Goethe, Nietzsche…sont à l’honneur chez eux.
« Linge flottant dans le vent » 1906 Franz MARC
Huile sur toile sur carton (19×36,2cm)
Coll. Museum Folkwang, Essen
Avant de recevoir une éducation artistique classique, Franz Marc envisageait de devenir pasteur. Il y retournera quelques années plus tard avec les Macke. Après trois ans à l’Académie de Munich, il abandonne ses études et part en France pendant 6 mois où il découvre l’impressionnisme et l’art primitif. En attendant il revient à Munich où, pour vivre, il donne des cours de dessin d’anatomie animale et travaille chez des antiquaires.
« Le jeune garçon avec un agneau (Le Bon Berger) » 1911 Franz MARC
Huile sur toile (88×83,8cm)-
The Solomon R. Guggenheim Museum, New York
Sa vie sentimentale est assez complexe. Marie, de 11 ans son ainée, et Maria, étudiante en art à Berlin, seront les deux femmes de sa vie. En 1907, pour légitimer son enfant naturel, il épouse Marie dont il divorcera un an plus tard. En 1914, il épousera Maria.
1910 est une année clé pour Marc car il rencontrera August Macke et Kandinsky. Le projet du « Cavalier Bleu » est lancé. Sa première exposition personnelle se tient également cette année-là.
“Le rêve” 1912 Franz MARC – Huile sur toile (100,5×135,5 cm)
Coll. Museo Nacional Thyssen-Bornemisza, Madrid
Franz Marc, doté d’un caractère introverti, a un sujet de prédilection : l’animal. Peut-être parce qu’il en connait parfaitement l’anatomie, qu’il a enseignée ? Peut-être parce qu’il doute de l’être humain, source de déceptions, à la différence de l’animal ?
Au début de sa carrière, il aime peindre en plein air, comme dans « Linge flottant dans le vent ». Puis il représente de plus en plus des chevaux, comme dans « Le rêve » (photo ci-dessus). Le cheval est son animal de prédilection, car il l’emporte dans la hiérarchie animale. Il est généralement bleu, cette couleur symbolisant le spirituel et le masculin.
Un être humain, une femme en l’occurrence, est représenté dans « Le rêve » ce qui est extrêmement rare chez Marc. « Le jeune garçon avec un agneau (Le Bon Berger) » (toile ci-dessus) est une autre exception.
“Trois animaux (chien, renard et chat) »1912 -Franz MARC
Huile sur toile (80×105 cm) Coll. Kunsthalle, Mannheim
Dans ses peintures d’animaux, Marc cherche « à peindre les animaux tels qu’ils sont, et non pas tels que je les vois ». Il veut exprimer « l’aspect intérieur, spirituel de la nature ».
Comme son cher ami August Macke, Franz Marc abordera l’abstraction. Dans « Ecuries » les lignes de couleurs s’enchevêtrent dans la lumière, au milieu desquelles les chevaux vibrent devant nos yeux. Magnifique !
« Ecuries » 1913 Franz MARC – Huile sur toile (73,6×157,5cm)
Coll. The Solomon R. Guggenheim
Museum, New York
Il partira au front également. Entre septembre 1914 et mars 1916 il écrira 121 lettres dans lesquelles il raconte sa vie quotidienne et sa quête spirituelle. Le 4 mars 1916 il est tué sur le coup par un obus français à Verdun.
Les destins dramatiques de ces deux peintres allemands, promis au plus bel avenir, sont en quelque sorte l’incarnation de la folie humaine, symbolisée par la première guerre mondiale.
« Franz MARC / August MACKE : L’aventure du Cavalier bleu »
Musée de l’Orangerie
Jusqu’au 17 juin 2019
